Je le dis souvent en plaisantant et pourtant c’est vrai. Mon pire ennemi n’est ni le stress, ni le travail, ni même la fatigue. Mon véritable adversaire, c’est le réfrigérateur. Ce bloc blanc posé dans la cuisine, qui n’a rien de menaçant, devient soudain la première chose vers laquelle je me tourne dès que mon esprit n’a plus rien à faire. Il m’attire comme un aimant, comme une tentation permanente, comme un réflexe que je ne contrôle même plus.
Je suis hyperactif, surtout dans ma tête, et mon esprit refuse le vide. Il cherche toujours une idée, un projet, quelque chose à organiser, et dès que je m’arrête quelques secondes, quelque chose se met en mouvement dans ma tête et je marche presque automatiquement vers le frigo. C’est devenu un rituel, j’ouvre, je regarde, je referme, puis deux minutes plus tard j’y retourne, comme si un miracle avait pu se produire en mon absence. Rien n’a changé, mais cela ne m’empêche jamais d’aller vérifier.
Je ne vais pas au frigo par faim, je le sais très bien. J’y vais par ennui, par réflexe. Il est devenu le symbole parfait de ces instants où mon esprit décroche et cherche désespérément une petite action pour m’occuper.
Pourquoi lui. Parce qu’il est à portée de main, parce qu’il offre une distraction immédiate, parce qu’il donne l’impression de faire quelque chose alors qu’en réalité je fuis simplement l’ennui. L’hyperactivité mentale ne fait pas toujours de bruit, elle se glisse aussi dans ces gestes minuscules qui remplissent le vide et évitent l’immobilité.
À force d’aller vérifier si quelque chose a mystérieusement changé dans le frigo, je finis par comprendre ce que cela dit de moi. J’ai besoin d’être stimulé, engagé, mobilisé. Sans direction, mon énergie part dans tous les sens et l’ennui devient une sorte d’alarme intérieure qui me pousse à bouger.
J’en ris beaucoup, et heureusement, mais j’apprends aussi à apprivoiser ces moments de calme, à accepter l’inactivité sans m’agiter, et parfois, lorsque je referme le frigo sans rien prendre, j’ai presque l’impression d’avoir gagné une petite victoire, modeste mais satisfaisante.
Le frigo restera sûrement mon adversaire le plus fidèle, toujours prêt à me provoquer, mais moi aussi j’avance, j’apprends, je me connais mieux, et il m’arrive maintenant de sourire en refermant la porte, comme si je venais de gagner une petite bataille.
