Un jour, une amie qui traversait une période difficile m’a raconté un moment de sa vie qui m’a touché. Elle m’a expliqué que son père avait signé son acte de naissance et que, bien des années plus tard, c’était elle qui avait signé son acte de décès. Elle ne cherchait pas à émouvoir et parlait avec cette sincérité que l’on entend chez ceux qui ont déjà traversé l’épreuve et qui ont appris à vivre avec.
Pendant qu’elle parlait, je sentais combien cette expérience l’avait changée. Elle avait accompagné son père dans ses derniers instants, comme il l’avait accueillie dans les premiers moments de sa vie, et ce renversement prenait forme dans un simple geste, il avait choisi sa première tenue et elle avait choisi celle qu’il porterait pour la dernière fois. Elle avait compris, ce jour-là, que même ceux que l’on croit solides finissent par s’appuyer sur nous.
Ses mots ne m’ont pas quitté et, avec le temps, j’ai compris que la vie nous apprend à avancer autrement. Ce qu’un parent fait pour son enfant, l’enfant le rend parfois plus tard, avec la même délicatesse et la même inquiétude. Cette amie ne parlait pas de tristesse, mais d’un passage et d’un lien qui continue autrement. Elle avait saisi que l’essentiel n’est pas dans les mots, mais dans la présence.
En l’écoutant, je me suis surpris à faire le lien avec ce que je vivais auprès d’Évelyne. Je ne pensais pas que son récit m’accompagnerait autant, mais il m’a servi de repère dans des moments où je manquais de réponses. J’ai compris que l’accompagnement n’est pas une performance, mais une manière d’être là, sans chercher à retenir la vie, simplement en offrant ce que l’on peut.
Auprès d’Évelyne, j’ai découvert que les petites choses comptent vraiment, un verre d’eau, une couverture ajustée, un mot doux ou un silence partagé, autant de gestes simples qui apaisent et rappellent où se trouve ce qui compte vraiment. Avec le temps, j’ai compris que marcher aux côtés de ceux que l’on aime est sans doute l’une des formes d’amour les plus justes, une présence qui ne retient rien, mais qui accompagne aussi loin que la vie le permet.
Ce que l’on retient, finalement, ce n’est pas le temps passé, mais la manière dont on a su être là.
