Il y a des mots qu’on préfère éviter, qu’on enveloppe pour ne pas déranger. “Vieillard”, par exemple. Ce mot enferme, il fait penser à la fin, il fait peur, même à ceux qui ne sont pas encore concernés. Alors on invente des formules comme “troisième âge”, “senior”, “personne âgée”, comme si ça changeait quelque chose, comme si ces détours pouvaient faire oublier ce que le miroir finit toujours par nous dire.
Mais le vrai problème, ce n’est pas le mot, c’est ce qu’il renvoie. Vieillir, changer, ralentir un peu, perdre en force peut-être, mais pas en valeur. Dans une société obsédée par la vitesse, la jeunesse et l’apparence, dire les choses telles qu’elles sont est devenu un acte de courage.
Alors je le dis sans détour : je suis vieux, et alors. Je n’ai pas besoin de maquiller le mot. Je l’accepte. Il fait partie de moi, il raconte mon chemin. J’ai vécu, j’ai aimé, j’ai appris et je suis encore debout. Je ne suis pas un ancien qu’on range dans un coin. Je suis là, avec mes souvenirs, mes projets, mes envies, mes colères aussi.
Le mot “vieux” ne me dérange pas. Il ne me définit pas, il me situe. Il dit mon âge, pas ma fin. On peut être vieux et libre, vieux et utile, vieux et plein de vie. Ce n’est pas une plainte ni une provocation, c’est une vérité tranquille, une manière de dire je suis encore là, je n’ai rien à prouver, je ne demande rien, je ne fais plus semblant.
Je suis vieux, et j’en suis fier. On n’a plus besoin de séduire, plus besoin de courir, et quel soulagement, au fond, de pouvoir simplement être soi. Alors non, je ne suis pas un vieillard. Je suis vieux, et je suis vivant.
Et si d’autres ressentent la même chose, qu’ils le disent avec moi, qu’ils le disent fort. Nous, les vieux, on est là. Et on ne laissera plus personne parler à notre place.
