Aujourd’hui, mardi 28 octobre, j’ai traversé une étape difficile. Je suis allé rendre visite à Évelyne, hospitalisée à Bretonneau, dans le service de pneumologie suite à une infection pulmonaire. Elle délire, les mots s’échappent, les repères se brouillent… mais elle me reconnaît encore. Et cette reconnaissance, même fragile, me touche profondément. Je ne peux m’empêcher de me demander jusqu’à quand.
Les médecins tâtonnent. Ils cherchent à comprendre ce qui se passe. Son corps ne supporte plus la morphine, ce qui accentue la douleur. Ils évoquent aussi la possibilité d’une petite hémorragie cérébrale, qui expliquerait ses délires, cette perte de cohérence. J’écoute, j’essaie de suivre, mais au fond je sens bien que nous sommes arrivés à ce moment où la médecine atteint ses limites.
À la fin de l’entretien, Évelyne voulait absolument rentrer à la maison. Elle me regardait avec cette intensité qui serre le cœur. “On rentre, hein ?” m’a-t-elle dit. Comment lui répondre sans la blesser ? Comment lui dire que sa maison, pour l’instant, c’est ici ? Ces instants-là, on ne s’y habitue jamais. Ils vous traversent, vous arrachent quelque chose à l’intérieur.
Dans le couloir, la gorge serrée, j’ai parlé au médecin. J’ai dit qu’il ne fallait plus d’acharnement, qu’il serait peut-être temps de la laisser partir, tout simplement. Il m’a répondu calmement que l’euthanasie n’était pas autorisée. Oui, je le sais. Mais la sédation existe, elle, pour apaiser, pour accompagner sans prolonger inutilement la souffrance.
Une équipe de soins palliatifs doit venir donner son avis. Ce sera la prochaine étape. La dernière, peut-être.
J’ai compris ce que je pressentais depuis longtemps, que l’amour, parfois, demande le courage de laisser cesser la lutte et de choisir la paix, même quand une partie de nous voudrait encore retenir la vie.
